Pèlerinage en Algérie sur les pas du Père de Foucauld
SE ressourcer, aller à la rencontre de Charles de Foucauld, marcher dans le désert... C’est pour ces raisons - et sans doute d’autres - que nous nous sommes retrouvés à seize pèlerins, dont notre évêque, fin novembre. Direction Tamanrasset, à 2000 km au sud d’Alger, puis « des Tassilis du Hoggar au Plateau de l’Assekrem », pour une semaine.
L’EXPÉRIENCE DU DÉSERT
Chacun avait en partant « son » image du Sahara, mais ce qui nous a frappés, c’est la diversité du désert : vastes étendues de sable blond, grès érodés, chaos granitiques, pitons volcaniques... Un univers très contrasté, tantôt âpre, tantôt d’une grande douceur avec des jeux d’ombre et de lumière, un sable variant de l’ocre à l’orangé et une flore inattendue parfois, comme ces coulées de fleurs pourpres dans la montée à l’Assekrem. « Il faut passer par le désert et y séjourner pour recevoir la grâce de Dieu : c’est là qu’on se vide, qu’on chasse devant soi tout ce qui n’est pas Dieu... ». Un matin, après la lecture de cette lettre du Père de Foucauld, notre évêque nous a « envoyés » dans le désert pour une longue marche silencieuse qu’il ouvrit.
Dormir sous un ciel constellé d’étoiles, ce fut aussi une expérience inoubliable qui nous fit contempler les « merveilles » de la création et entrer en communion avec l’univers, avec les autres, avec Dieu.
LA RENCONTRE AVEC LE PÈRE DE FOUCAULD
Elle s’est faite dès le premier jour à Tamanrasset dans les lieux où il avait vécu. D’abord le Bordj, édifié un an avant sa mort. Non loin de son corps, on avait retrouvé la lunule du Saint Sacrement et les quatre Evangiles, les « deux Tables », celles de l’Eucharistie et de la Parole, si essentielles pour lui. La guide est une jeune musulmane vouant une grande admiration à Charles de Foucauld : tout un symbole ! Puis la Frégate, sa première bâtisse, étroite, commencée en 1905 alors que Tamanrasset n’était qu’un « village de 20 feux en pleine montagne ».
C’est à la fin que nous sommes montés à l’Assekrem (2725 m) en faisant les derniers 6 km à pied et nous sommes entrés avec émotion dans cet ermitage, si étroit aussi, où Charles de Foucauld aura vécu cinq mois. La rencontre avec le Père de Foucauld s’est également faite à travers des membres de sa famille spirituelle : Sœur Marie-Jo, petite sœur du Sacré-Cœur, nous a fait visiter la Frégate ; le Père Antoine Chatelard, petit frère de Jésus, a évoqué une expérience capitale dans la vie de Charles de Foucauld qui lui avait fait comprendre que vouloir tout donner ne suffit pas et qu’il faut accepter aussi de recevoir des autres. A l’Assekrem, nous avons vu les trois petits frères de Jésus dont deux vivent là depuis 25 et 35 ans. Tout en nous offrant le thé, Frère Edouard évoquera leur mission et Charles de Foucauld. Au cours des temps de prière et des célébrations, nous avons mieux appréhendé cette figure exceptionnelle, fougueuse, voire déroutante, et son cheminement spirituel, plus harmonieux qu’il n’y paraît, depuis « l’offrande d’une liberté » jusqu’à celle « d’une pauvreté ».
DES TEMPS SPIRITUELS INTENSES
Temps de prière et célébration eucharistique rythmaient chaque jour. La première, concélébrée par notre évêque avec le Père Chatelard, nous a rassemblés dans la chapelle des sœurs. Ainsi, dès le départ, la famille spirituelle de Charles de Foucauld nous a accompagnés. On a évoqué Sœur Odette Prévost, venue plusieurs fois là. Le jour de notre départ, Mgr Louis lira à la fin de la célébration le texte trouvé sur elle à sa mort ; sur ce sol, il prend une résonance particulière. Nous nous sentons proches de l’Eglise présente en Algérie et, en cette terre d’Islam, nous avons une plus vive conscience de l’importance de la fraternité entre croyants dans le respect des différences. Chaque temps de prière, chaque messe, à l’ombre d’un acacia, dans une « cathédrale » à ciel ouvert, étaient sources de grâces. Les deux messes célébrées dans la chapelle de l’Assekrem furent des temps particulièrement forts. Contemplation des paysages et marche appelaient à la méditation et à la louange. Resurgissaient en nous des passages de la Bible, comme l’épreuve pour les Hébreux de la marche dans le désert du Sinaï et le sens de cette traversée. Pour nous, c’était aussi un lieu de passage et un temps privilégié pour faire la vérité sur soi, vivre une proximité plus grande avec Dieu, être à l’écoute de la Parole.
UN COMPAGNONNAGE FRATERNEL
Compagnonnage avec les membres du groupe : nous n’avons pas pris le chemin seuls, mais fait une démarche collective. Très vite, nous avons appris à nous connaître, chacun s’enrichissant des talents et expériences des autres. Pèlerins, nous avons été un peu nomades, en marche derrière notre pasteur, mais aussi avec lui. Compagnonnage avec nos hôtes à l’auberge-oasis d’Outoul, vrai havre de paix à 20 km de « Tam ». La qualité de leur accueil a tout de suite suscité un échange fructueux. Compagnonnage avec l’équipe de Touaregs dont la présence a été discrète, vigilante et cordiale. Ils étaient heureux de faire découvrir « leur » désert, de nous convier autour du feu pour le rite des trois thés ; la fête offerte à la fin du séjour nous réunit chaleureusement autour de musiques traditionnelles, chants et danses. Auparavant, ils avaient évoqué leur mode de vie et leur sédentarisation inévitable... Mais l’appel du désert reste fort. Nous savons combien le Père de Foucauld était proche des Touaregs dont il avait appris la langue.
Nous avons repris le cours habituel de nos vies. Des paysages, des visages continuent à traverser notre esprit. Nous sentons aussi que ce passage au désert, la marche, le silence ont creusé en nous un besoin de dépouillement, une ouverture à l’essentiel, une soif de rencontres dans une vraie relation de réciprocité, comme nous y invite Charles de Foucauld, le « frère universel ».  Des pélerins.